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L’application du droit de l’Union européenne aux régions ultrapériphériques des États membres

Relwende Louis Martial Zongo , 16 décembre 2015

Conformément aux dispositions combinées de l’article 52, paragraphe 2, du traité UE et de l’article 355 du traité FUE, les traités de l’Union européenne s’appliquent non seulement sur le territoire des vingt-huit États membres mais aussi, sur celui des régions dites ultrapériphériques desdits États (ci-après RUP). Toutefois, afin de tenir compte de la spécificité de ces régions, l’article 349 du traité FUE, prévoit : « Compte tenu de la situation économique et sociale structurelle de la Guadeloupe, de la Guyane française, […], le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l’application des traités à ces régions, y compris les politiques communes […] ».

Suite à l’octroi, le 11 juillet 2012, du statut de RUP à Mayotte, département français d’outre-mer depuis 2011, le Conseil de l’UE a adopté le 17 décembre 2013, sur proposition de la Commission, trois actes législatifs qui modifient des actes de droit dérivé antérieurs, en accordant à l’archipel des délais supplémentaires pour se conformer au droit de l’Union, dans un certain nombre de domaines. Il s’agit notamment du règlement n° 1385/2013 en matière de conservation des ressources de pêche, de la directive 2013/64 en ce qui concerne les domaines de l’eau, de la protection animale et des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers, ainsi que de la directive 2013/62 sur le droit de l’UE en matière de congé parental.

Considérant que lesdits actes auraient dû être adoptés sur le fondement de bases juridiques sectorielles telles que figurant dans les propositions initiales de la Commission, lesquelles prévoyaient en lieu et place de la procédure législative spéciale prévue à l’article 349 du traité FUE, la procédure législative ordinaire, le Parlement européen et la Commission ont saisi la Cour de justice (aff. jtes C-132/14 à C-136/14) afin d’obtenir leur l’annulation, avec maintien de leurs effets juridiques, jusqu’à l’entrée en vigueur des actes les remplaçant. Alors que pour la Commission, l’article 349 du traité FUE permet seulement de déroger à l’application des dispositions du droit primaire et non d’adapter des actes de droit dérivé comme cela a été le cas en l’espèce, le Parlement considère, quant à lui, que l’article 349 du traité FUE n’habilite pas le Conseil à arrêter des mesures ayant pour seul objet d’ajourner l’application, à des RUP, de certaines dispositions du droit de l’UE.

Analysant ces arguments, la Cour de justice affirme que la référence aux « conditions de l’application des traités », prévue à l’alinéa premier de l’article 349 du traité FUE, doit être comprise comme couvrant à la fois les conditions relatives à l’application du droit primaire de l’UE et celles relatives à l’application des actes de droit dérivé. Quant aux types de mesures susceptibles d’être adoptées par le Conseil, la Cour déduit du libellé de la même disposition, que celle-ci ne restreint pas le pouvoir décisionnel du Conseil à une catégorie particulière de mesures. Pour autant, l’adoption des mesures spécifiques sur le fondement de l’article 349 du traité FUE n’est pas exempte d’exigences à respecter. Elle doit satisfaire les conditions prévues à l’article visé. Il s’agit, en particulier, pour le Conseil, de présenter des « éléments établissant un lien de rattachement de la mesure spécifique envisagée avec des caractéristiques et des contraintes particulières de la RUP en cause », de sorte à tenir effectivement compte de sa « situation économique et sociale structurelle ».

En procédant à un examen détaillé des objectifs et du contenu des actes attaqués, la Cour de justice conclut que les mesures qui y figurent ont été arrêtées en tenant compte de la situation économique et sociale structurelle de Mayotte, au sens de l’article 349, premier alinéa, du traité FUE. Elle rejette, en conséquence, l’ensemble des recours introduits par les deux institutions.

En conclusion, l’arrêt rendu par la Cour de justice constitue un arrêt-clé qui clarifie les conditions et le champ d’application matériel de l’article 349 du traité FUE, applicable ratione loci, aux régions ultrapériphériques de l’UE.

Martial Zongo, "L'application du droit de l'Union européenne aux régions ultrapériphériques des États membres", Actualité du 16 décembre 2015, www.ceje.ch