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Quelle est la base légale adéquate de la décision portant signature et conclusion, par l’Union, d’un accord international en matière de piraterie ?

Ljupcho Grozdanovski , 6 février 2014

Dans l’avis 2/00, la Cour de justice a précisé que le choix de la base légale des actes pris par les institutions de l’Union européenne constitue une exigence de nature constitutionnelle. L’affaire Parlement c. Conseil (aff. C-658/11), dont les conclusions ont été présentées par l’avocat général Y. Bot le 30 janvier 2014, confirme cette position. Dans cette affaire, le Parlement européen a introduit un recours en annulation contre une décision du Conseil portant signature et conclusion d’un accord entre l’Union européenne et la République de Maurice, relatif aux conditions de transfert des personnes suspectées d’actes de piraterie et des biens associés saisis, ainsi qu’aux conditions des personnes suspectées d’actes de piraterie après leur transfert. Contrairement aux arguments avancés par le Conseil, le Parlement européen a soutenu que l’objet dudit accord ne relève pas exclusivement de la politique étrangère et de sécurité commune (ci-après la PESC), mais comporte des aspects de coopération policière et judiciaire en matière pénale, ainsi que de coopération au développement. En vertu de  de l’article 218, paragraphe 6, du traité FUE, l’approbation du Parlement européen n’est pas prévue pour les accords relevant exclusivement de  de la PESC, alors qu’elle est requise lorsqu’il est établi qu’en outre d’un rattachement à la PESC, l’objet de l’accord contient des aspects se rattachant à l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

En soulignant le fait qu’en vertu des traités, la participation du Parlement européen n’est pas prévue pour la totalité de domaines relevant de l’action extérieure de l’Union européenne, l’avocat général Bot a rappelé l’exigence énoncée à l’article 21, paragraphe 3, du traité UE, selon laquelle l’Union est tenue de veiller à la cohérence entre les domaines relevant de ladite action, ainsi qu’entre ceux-ci et les autres politiques menées par l’Union. Il serait, selon lui, permis au Conseil d’intégrer, dans les actes adoptés au titre de la PESC, des éléments relevant des autres politiques de l’Union, à condition que le ‘centre de gravité’ de ces actes se trouve dans le cadre de la PESC.

Compte tenu de ces considérations, l’avocat général estime que la décision litigieuse, ainsi que l’accord international auquel elle se rapporte, relèvent exclusivement du domaine de la PESC. Au soutien de cette position, il précise qu’une série de résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ont été reprises en droit de l’Union européenne, notamment avec l’adoption d’une action commune 2008/851/PESC, concernant l’opération militaire de l’Union européenne en vue d’une contribution à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie et de vols à main armée au large des côtes de la Somalie. L’avocat général considère que la circonstance que l’accord en cause fait partie intégrante de la mise en œuvre de cette dernière « constitue déjà un indice sérieux de son rattachement à la PESC » (pt 70). En ce sens, l’accord pourrait être perçu comme un « prolongement » des résolutions du Conseil de sécurité, telles que reprises en droit de l’Union par ladite action commune (pt 78). Par conséquent, le fait que l’accord international comporte un volet relatif à la lutte contre la criminalité organisée ne serait pas suffisant pour partiellement soustraire ledit accord au domaine de la PESC, dès lors que les missions engagées par l’Union dans ce domaine pourraient, en effet, comprendre des instruments « traditionnels » de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (118).

L’avocat général  conclut, dans ces circonstances, que le recours du Parlement européen devrait être rejeté.

Les conclusions dans l’affaire sous examen sont intéressantes car elles contiennent deux principaux critères à retenir lorsqu’il s’agit de trancher une question relative au choix d’une base légale. Premièrement, compte tenu d’une jurisprudence constante en la matière, il est possible de conclure que c’est l’objectif prépondérant, le ‘centre de gravité’, d’un acte qui appelle à une base légale donnée. Le seul fait qu’un acte, de par son objet, touche à plusieurs domaines de compétences de l’Union, ne devrait pas systématiquement conduire à multiplier ses bases légales. Deuxièmement, lorsqu’il s’agit de statuer sur le caractère approprié d’une base légale, il semble pertinent de prendre en compte la législation déjà adoptée par les institutions de l’Union dans le domaine concerné. Dans l’affaire sous examen, l’existence d’une position commune en matière de piraterie, a permis de renforcer la conviction de l’avocat général Bot que l’accord constitue un « prolongement » de cette dernière, dès lors qu’il vise, de manière prépondérante, à réaliser les objectifs de la PESC, énoncés aux articles 21 et suivants du traité UE.


Ljupcho Grozdanovski, "Quelle est  la base légale adéquate de la décision portant signature et conclusion, par l’Union, d’un accord international en matière de piraterie ?", www.unige.ch/ceje, Actualité du 6 février 2014.