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Les compétences du Conseil et de la Commission en matière d’augmentation des salaires des fonctionnaires européens

Edouard Verté , 21 novembre 2013

Par trois arrêts rendus le 19 novembre dans les affaires C-63/12 Commission c. Conseil, C-66/12 Conseil c. Commission et C-196/12 Commission c. Conseil, la Cour de justice de l’Union européenne s’est  prononcée sur la notion d’acte attaquable en vertu de l’article 263 du Traité FUE.

Les conditions de rémunération des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne est fixée par un règlement. Celui-ci prévoit une revalorisation annuelle d’un niveau prédéfini, mais permet également de procéder à un gel de l’augmentation de cette hausse “en cas de détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale constaté à lintérieur de lUnion”en prévoyant que la Commission présente  “des propositions appropriées au Parlement européen et au Conseil qui statuent selon la procédure législative ordinaire”.

En raison de la crise économique, l’Union européenne, tout comme les États membres, sont obligés de réduire leurs dépenses.

C’est dans ce contexte que le Conseil de l’Union européenne demande à la Commission de présenter une proposition tenant compte de la situation économique détériorée. La Commission, considère ,quant à elle,  qu’il n’est pas nécessaire de présenter une proposition fondée sur la disposition prévoyant une suspension de la revalorisation, et présente une proposition classique contenant la revalorisation des rémunérations et des pensions.

Le Conseil considère que la proposition de la Commission n’est pas appropriée et refuse de statuer sur celle-ci. La décision de refus de statuer est publiée au Journal Officiel en décembre 2010.

La Commission dépose alors deux recours devant la Cour de justice. : un recours en annulation contre la décision du Conseil (C-63/12) et  un recours en carence contre le Conseil (C-196/12).

Le recours en annulation permet de demander à la Cour de justice, sous certaines conditions, d’annuler des actes des institutions de l’Union contraires au droit de l’Union. Seuls des actes dits attaquables peuvent faire l’objet d’un tel recours. Le recours en carence permet, quant à lui, de demander à la Cour de justice de constater qu’en violation des traités, une institution refuse de statuer sur un acte.

La raison pour laquelle deux recours ont été introduits tient à la formulation de la décision du Conseil. En effet, la décision, pour être un acte attaquable doit produire des effets juridiques autonomes. La Cour de justice considère dans sa jurisprudence que sont attaquables tous les actes des institutions destinés à produire des effets de droit obligatoires. Tel est le cas de la décision du Conseil. Sa formulation peut néanmoins laisser planer un doute sur les intentions du Conseil. En effet, le recours en carence est possible lorsqu’une institution refuse de statuer. On est ici en présence d’un acte énonçant un refus de statuer, ce qui conduit la Commission à soumettre les deux types recours.

La Cour de justice statue sur la nature de l’acte, estimant que la décision du Conseil est un acte attaquable, indépendamment de sa formulation. Il s’agit donc d’un acte qui peut donner lieu à un recours en annulation et non pas un recours en carence. Ce dernier recours est donc jugé irrecevable.

Sur le fond, le litige porte sur la question de  la répartition des rôles entre les institutions dans le cadre de l’adaptation annuelle des rémunérations, et notamment sur le déclenchement de la clause d’exception permettant une suspension de la revalorisation annuelle.

En effet, si le règlement précise qu’il appartient à la Commission européenne de présenter une proposition sur la base de mesures économiques qu’elle a réalisé, il ne précise pas la marge d’appréciation du Conseil sur les données économiques, ni sur le caractère approprié de la proposition de la Commission. C’est dans cette optique qu’est introduit le troisième recours, celui du Conseil, visant à faire annuler une communication de la Commission dans laquelle celle-ci indique son refus de présenter une proposition sur la base de la clause d’exception (C-66/12). Ce recours est jugé sans objet dans la mesure où la Cour de justice répond à la question de la répartition des rôles dans l’arrêt portant sur le recours en annulation de la Commission (C-63/12), mais le problème n’en est pas moins pertinent.

Ce problème de répartition est résolu par la Cour de justice en examinant le contexte de l’adaptation des rémunérations. En situation économique normale, c’est le Conseil qui procède à l’examen annuel, ce qui lui confère  un pouvoir d’appréciation dans ce cadre. Se référant à l’effet utile de la disposition en cause, la Cour de justice conclut qu’il appartient au Conseil de décider du déclenchement de la clause d’exception, sur la base des données fournies par la Commission, cette dernière étant alors tenue de présenter une proposition appropriée.


Reproduction autorisée avec l’indication: Edouard Verté, "Les compétences du Conseil et de la Commission en matière d'augmentation des salaires des fonctionnaires européens", www.ceje.ch, actualité du 21 novembre 2013.