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La circulation des véhicules des entreprises turques sur le territoire d’un Etat membre : conditions posées par la législation nationale

Elisabet Ruiz Cairó , 20 septembre 2018

L’arrêt de deuxième chambre rendu par la Cour de justice de l’Union européenne, le 11 juillet 2018, dans le cadre de l’affaire C-629/16, porte sur l’interprétation de l’accord d’association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (accord CEE-Turquie). Dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, la Cour de justice a statué que les dispositions de l’accord ne s’opposent pas à une réglementation nationale restreignant le droit des entreprises de transport de marchandises ayant leur siège en Turquie de faire circuler leurs véhicules dans le territoire d’un Etat membre, sous obtention préalable d’une autorisation délivrée dans les limites d’un contingent fixé au titre d’un accord bilatéral conclu entre ledit Etat membre et la Turquie, ou d’un permis octroyé en raison d’un intérêt public majeur.

Une entreprise de transport international de droit turc, condamnée à payer une amende au motif qu’elle ne disposait pas des documents exigés par la législation autrichienne en vertu de laquelle les entreprises turques doivent avoir obtenu une autorisation préalable pour transiter sur le territoire de cet Etat membre, a introduit un recours devant la Cour administrative nationale en faisant valoir une violation de la décision n°1/95 du Conseil d’association interdisant toute restriction quantitative à l’importation et à l’exportation ainsi que toute mesure d’effet équivalent à celle-ci. Saisie d’une question préjudicielle sur l’interprétation de l’accord CEE-Turquie, du protocole additionnel annexé audit accord et de la décision n°1/95 du Conseil d’association, la Cour a examiné s’il y a éventuelle violation desdites dispositions.

La Cour de justice a tout d’abord constaté que l’autorisation préalable requise par la législation autrichienne ne relevait pas du champ d’application de la libre circulation de marchandises, mais qu’elle « conditionne spécifiquement l’accès à un marché de service » (cons. 42). Dès lors, la Cour a interprété la question à la lumière de l’accord CEE-Turquie et du protocole additionnel, en écartant la décision du Conseil d’association qui ne s’est pas avérée applicable au cas d’espèce.

En vertu de l’accord CEE-Turquie et du protocole additionnel, les dispositions du TFUE en matière de transports peuvent être étendues à la Turquie par décision du Conseil d’association. Ce dernier n’ayant toutefois pris aucune mesure en matière de libre prestation de services dans le domaine de transport, la Cour a jugé que « les services de transport ne peuvent être fournis […] que dans les limites des contingents fixés dans de tels accords bilatéraux ou de la réglementation nationale » (cons. 47).

La Cour a ensuite examiné la validité de la disposition autrichienne à la lumière du protocole additionnel qui prévoit une clause de standstill, dans la mesure où les Etats membres s’engagent à ne pas adopter des mesures plus restrictives dans le domaine du libre établissement et de la libre prestation de services par rapport à celles applicables lors de l’entrée en vigueur de l’accord dans l’Etat membre concerné. Par conséquence, deux conditions cumulatives sont nécessaires afin de considérer la mesure en cause contraire à l’accord d’association et au protocole additionnel : la mesure en cause doit constituer une restriction à la libre prestation de services et elle doit présenter un caractère de nouveauté par rapport à une mesure antérieure.  

La Cour a jugé, d’une part, que l’octroi de la part de l’Etat membre d’une autorisation préalable telle que celle en cause constituait une restriction à libre prestation de services des entreprises turques, et a laissé, d’autre part, une large marge d’appréciation aux juridictions nationales sur le caractère de nouveauté de la mesure adoptée.

Dans le champ des relations bilatérales entre l’Union et  la Turquie, cet arrêt a permis d’interpréter l’accord d’association conclu entre la CEE et la Turquie dans le sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale restreignant le droit des entreprises de transport de marchandises ayant siège en Turquie à circuler sur le territoire d’un Etat membre, en requérant l’obtention d’une autorisation préalable octroyée dans les limites d’un contingent fixé par l’accord bilatéral conclu entre ledit Etat membre et la République de Turquie ou d’un permis délivré en raison d’un intérêt public majeur, pour autant que cette disposition ne soit pas contraire à la clause de standstill.

Paola Rando, "La circulation des véhicules des entreprises turques sur le territoire d’un Etat membre :  conditions posées par la législation nationale", actualité du 20 Septembre 2018, www.ceje.ch