Dans son arrêt Abdullahi rendu le 10 décembre 2013, la Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur le problème de la détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile.
Une ressortissante Somalienne fuit son pays et se rend en Syrie en avril 2011 puis en Turquie, avant d’entrer illégalement en Grèce. Elle rejoint ensuite l’Autriche en traversant illégalement les frontières de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, de la Serbie et de la Hongrie. Après son arrestation en Autriche, elle dépose en août 2011 une demande de protection internationale auprès de l’autorité autrichienne compétente, le Bundesasylamt. En application du règlement n° 343/2003, l’autorité adresse une demande de prise en charge à la Hongrie. En effet, les éléments de faits montrent que la requérante est entrée en Hongrie en venant d’un Etat tiers juste avant de se rendre en Autriche où elle a été arrêtée près de la frontière. Les dispositions pertinentes du règlement prévoient que l’Etat membre responsable de l’examen de la demande d’asile est le premier Etat membre dans lequel le demandeur est entré illégalement en provenance d’un Etat tiers, cette responsabilité prenant fin 12 mois après l’entrée du requérant. Du fait de la détermination de la Hongrie comme Etat responsable de l’examen de la demande, l’autorité autrichienne déclare la demande irrecevable et décide le transfert de la requérante vers la Hongrie. Après de multiples recours, la Cour Constitutionnelle autrichienne considère qu’il existe un doute sur la détermination de l’Etat membre responsable et renvoie l’affaire au Bundesasylamt, car la question de savoir si le séjour de moins de trois mois dans un Etat tiers effectué entre la sortie de Grèce et l’entrée en Hongrie entraîne l’extinction de la responsabilité de la Grèce auait dû faire l’objet d’un renvoi préjudiciel à la Cour de justice.
Dans ce cadre, le Bundesasylamt pose trois questions préjudicielles à la Cour de justice dont la première cherche à savoir si dans le cadre du recours le requérant peut demander le contrôle de la détermination de l’Etat membre responsable, ou si le recours peut uniquement concerner le refus d’examiner la demande et l’obligation de transfert dans l’Etat membre responsable. Les deux autres questions sont subordonnées à la réponse donnée à la première question.
La Cour de justice relève que l’article 19, paragraphe 2, du règlement nº 343/2003 prévoit que le recours contre la décision de l’autorité compétente en matière d’asile peut seulement porter sur le refus d’examiner la demande et l’obligation de transfert dans l’Etat membre responsable. Néanmoins, la Cour de justice décide d’examiner la disposition au regard de son économie générale, de ses objectifs et de son contexte. Elle relève à cet égard que le règlement s’inscrit dans une volonté de simplifier les règles relatives à l’examen des demandes d’asile, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat membre responsable du traitement de la demande d’asile et éviter tout forum shopping, ainsi que d’accélérer le traitement des demandes. Etant donné l’objectif principal de célérité dans le traitement des demandes, la Cour de justice estime que seules des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile qui constituent des motifs sérieux et avérés de croire que le demandeur courra un risque réel d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans l’Etat membre responsable permettraient de demander l’appréciation de la détermination de l’Etat membre responsable dans le cadre du recours. Cette réponse rend l’examen des deux questions suivantes inutile.
La Cour de justice établit ainsi les conditions strictes dans lesquelles un requérant peut former un recours allant au delà de ce qui est expressément prévu par l’article 19, paragraphe 2, du règlement nº 343/2003.
Reproduction autorisée avec l’indication: Edouard Verté, "La limitation du recours contre la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile aux cas de violations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne", www.ceje.ch, actualité du 13 décembre 2013.