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Multilinguisme et libre circulation des travailleurs dans l’UE

Relwende Louis Martial Zongo , 10 février 2015

Dans l’affaire Commission c. Belgique (C-317/14) du 5 février 2015, la Cour de justice de l’UE a condamné la Belgique pour avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 45 du traité FUE et de l’article 3 du règlement n° 492/2011 en matière de libre circulation de travailleurs.

In casu, la réglementation belge en cause (les lois coordonnées sur l’emploi des langues en matière administrative du 18 juillet 1966) exige des candidats aux postes dans les services locaux établis dans les régions de langue française, néerlandaise ou allemande, dont il ne résulte pas des diplômes ou des certificats requis qu’ils ont suivi l’enseignement dans la langue concernée, à faire la preuve de leurs connaissances linguistiques en présentant un unique type de certificat, exclusivement délivré par un  organisme officiel, le service public fédéral personnel et organisation (SELOR), chargé d’organiser les examens  sur le territoire belge.

Reconnaissant l’existence d’un droit pour les États membres d’appliquer en matière de libre circulation de travailleurs, des conditions linguistiques en raison de la nature spécifique de certains emplois, et sans nier le bien fondé, en l’espèce, de l’exigence de connaissances linguistiques spécifiques aux communes pour les postes des services locaux, la Cour affirme, en droite ligne avec sa jurisprudence antérieure (arrêt Angonese, aff. C-281/98), que l’exercice de ce droit ne saurait toutefois être disproportionné et discriminatoire. Or, la réglementation belge  exclut toute prise en considération du degré de connaissance qu’un diplôme obtenu dans un autre Etat membre permet de présumer dans le chef de son titulaire, compte tenu de la nature et de la durée des études dans ce Etat membre, et  apparaît donc disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi. En plus, quand bien même elle s’applique indistinctement aux ressortissants nationaux et à ceux des autres États membres, la législation belge s’avère en réalité indirectement discriminatoire pour les ressortissants des autres Etats membres, puisqu’elle a pour effet de rendre plus difficile et moins attrayant, l’exercice par ces derniers de leur droit à la libre circulation des travailleurs, en les obligeant à se déplacer sur le territoire belge dans l’unique but de passer l’examen linguistique requis pour le dépôt de leur candidature.

Ainsi, bien que poursuivant un objectif légitime, celui de la prise en compte des spécificités des régions linguistiques en Belgique, la réglementation belge n’en reste pas moins contraire au droit de l’UE, dans sa mise en œuvre. Cette condamnation de Belgique rappelle encore, si besoin en était, les tensions qui peuvent exister entre le respect des spécificités linguistiques  de certains États membres de l’UE et la réalisation des objectifs liés au marché intérieur.


Martial Zongo «Multilinguisme et libre circulation des travailleurs dans l'UE», www.ceje.ch, actualité du 10 février 2015