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La contestation des actes administratifs définitifs rendue possible pour assurer l’effectivité des droits inhérents aux citoyens de l’Union européenne

Ljupcho Grozdanovski , 28 octobre 2012

La Cour de justice confirme, dans son arrêt Byankov du 4 octobre 2012 (aff. C-249/11), que les dispositions des droits des Etats membres relatives à la garantie de la sécurité juridique, comme notamment l’impossibilité de contester des actes administratifs devenus définitifs, ne doivent pas être mises en œuvre au détriment des droits inhérents au statut de citoyen de l’Union européenne.

Par arrêté de 2007, M. Byankov, ressortissant bulgare, a fait l’objet d’une mesure d’interdiction de sortie du territoire bulgare et de refus de délivrance et de renouvellement de ses pièces d’identité. L’arrêté a été adopté sur le fondement d’une législation qui prévoit des mesures restrictives à la liberté de circulation des titulaires d’une dette non-réglée auprès d’une personne morale de droit public ou privé bulgare. Il est aussi prévu que lorsqu’un acte administratif adopté en vertu de ladite législation devient définitif, toute possibilité de contestation est éteinte, sauf en cas de violation des dispositions de la CEDH. L’arrêté de 2007 a ainsi acquis un caractère définitif, à défaut d’une action en contestation dans les délais prévus à cet effet par son destinataire.

En 2010, M. Byankov a, en sa qualité de citoyen européen, demandé l’abrogation de son interdiction de sortie du territoire bulgare. A cette fin, il a invoqué l’article 27, paragraphe 1, de la directive 2004/38 pour faire valoir que l’acte contesté n’a pas été fondé sur un motif de protection de l’ordre public, de la sécurité publique ou de la santé publique au sens dudit article. Sa demande a été rejetée, notamment en raison du caractère définitif dudit acte. Le requérant a alors contesté la décision de rejet devant la juridiction de renvoi. Constatant qu’en effet, ce dernier ne posait aucune menace directe et actuelle à l’ordre public, la santé publique et la sécurité publique, le juge bulgare a posé trois questions préjudicielles à la Cour de justice. Premièrement, il a interrogé la Cour sur la compatibilité avec le principe de coopération loyale, au sens de l’article 4, paragraphe 3, UE, ainsi qu’avec les articles 20 et 21 FUE, d’une législation nationale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, qui prévoit des sanctions ayant pour effet de restreindre la libre circulation des citoyens de l’Union européenne. Dans ses deuxième et troisième questions, le juge de renvoi a demandé, en substance, si et dans quelles circonstances, une autorité administrative nationale peut être amenée à rouvrir une action en contestation d’un acte administratif devenu définitif, compte tenu de l’article 27 de la directive 2004/38.

La Cour de justice a d’abord répondu à la troisième question préjudicielle. Tout en reconnaissant que le droit à la libre circulation des citoyens européens puisse faire l’objet d’une limitation dans les cas prévus à l’article 27 de la directive 2004/38, une telle restriction ne saurait être justifiée par des motifs économiques, tels que le non-acquittement d’une dette  dans l’affaire au principal. La Cour a ainsi conclu que M. Byankov n’a fait preuve d’aucun comportement actuel et personnel pouvant être qualifié de menace à l’ordre, la sécurité et la santé publics et a confirmé, par ailleurs, que le niveau de protection des intérêts des créanciers assuré au niveau de l’Union européenne n’est pas inférieur à celui garanti par la CEDH (pt 46), à condition toutefois que l'exigence de proportionnalité soit satisfaite. En ce qui concerne la première et la deuxième questions, la Cour a rappelé qu’à l’exception de l’acquittement de la dette, le requérant dans l’affaire au principal ne disposait d’aucun moyen procédural lui permettant de lever la sanction adoptée à son égard. Or, l’article 21 FUE confère aux citoyens de l’Union européenne des droits que les autorités juridictionnelles et administratives des Etats membres sont tenues de garantir, de sorte à ne pas les vider de leur substance, conformément aux principes d’effectivité et d’équivalence (pt 69). Dans la mesure où une législation nationale, comme celle en cause dans l’affaire au principal, impose à un citoyen de l’Union une interdiction absolue de sortie du territoire de son Etat membre d’origine, elle a pour effet de nier un droit inhérent au statut de citoyen, qu’est la liberté de circuler et séjourner sur le territoire des autres Etats membres, et est, de ce fait, contraire au droit de l’Union européenne.


Reproduction autorisée avec l’indication: Ljupcho Grozdanovski, "La contestation des actes administratifs définitifs rendue possible pour assurer l'effectivité des droits inhérents aux citoyens de l'Union européenne", www.ceje.ch, actualité du 28 octobre 2012