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Un droit de séjour sur le territoire communautaire pour pourvoir aux besoins de l’enfant y résidant légalement : interprétation large et absence de d’exigences économiques.

Nicolas Jade Bitar , 28 octobre 2009

Les conclusions rendues par l’avocat général Juliane Kokott le 20 octobre 2009 dans le cadre d’un renvoi préjudiciel de la Court of Appeal of England and Wales (Civil Division), l’affaire C-480/08, Maria Teixeira contre London Borough of Lambeth et Secretary of State for the Home Department, appellent la Cour à conclure en faveur d’un droit de séjour du ressortissant communautaire ayant un enfant à charge dans l’Etat membre d’accueil, et ce malgré l’absence de ressources suffisantes et du statut de travailleur.

Les faits concernent une ressortissante portugaise immigrée en Angleterre depuis 1989, divorcée et ayant seule à charge sa fille aujourd’hui âgée de 18 ans. Travaillant par intermittence jusqu’en 2005, Mme Teixeira demande en 2007 à bénéficier d’une aide au logement des personnes sans abri, qui lui est refusée au motif qu’elle n’a plus le statut de travailleur indépendant ou de travailleur salarié au sens de l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la directive 2004/38, ni le droit de séjour permanent inscrit à l’article 16 de cette même directive. Elle invoque l’application de l’article 12 du règlement n°1612/68 qui attribue un droit à l’éducation aux enfants à charge du travailleur migrant dans son Etat de résidence. La question posée à la Cour porte en définitive sur la teneur du droit de résidence acquis par l’enfant de Mme Teixeira et sur une éventuelle extension de celui-ci à sa mère, ainsi que sur les éventuelles conditions économiques à remplir.

Le droit à l’éducation tiré du règlement n° 1612/68 est attribué comme une prérogative accessoire à la qualité de membre de la famille d’un travailleur de la directive 2004/38. Il ne donne pas en soi accès au territoire d’un autre Etat membre, mais garantit certaines conditions de séjour à l’enfant. Pour rendre celles-ci effectives, l’enfant doit pouvoir exiger qu’à tout moment de sa formation, la personne qui subvient à ses besoins bénéficie d’un droit de résider sur le même territoire que lui. Ayant perdu la qualification de travailleur migrant, c’est de ce droit dont se prévaut Mme Teixeira.

Avant de pouvoir trancher cette question, deux problèmes préliminaires se posent. D’une part, à quel moment de l’éducation de sa fille Mme Teixeira doit-elle avoir eu le statut de travailleur migrant pour que l’article 12 s’applique ? La réponse est fondamentale en l’espèce car il s’avère que Mme Teixeira n’exerçait aucune activité professionnelle lorsque sa fille a débuté sa scolarité en Angleterre. D’autre part, qu’en est-il de la personne prenant en charge un enfant majeur ? Là encore, la question est d’une importance particulière car la fille de Mme Teixeira est désormais âgée de 18 ans.

L’avocat général est en faveur d’une approche nuancée. En aucun cas, il ne faudrait, selon lui, fixer une date précise pour ce qui est du moment auquel la personne à charge doit avoir été enfant d’un travailleur migrant, ou encore pour ce qui est de l’âge auquel elle doit cesser de bénéficier du règlement. Même si le droit de résidence initial est acquis sur la base du droit national, il suffit qu’à un moment dans le cours de ses études, l’individu puisse être considéré comme entrant dans le champ d’application de l’article 12 du règlement n°1612/68 pour pouvoir s’en prévaloir par la suite. Il en gardera alors le bénéfice jusqu’à la fin de son cursus, même si celui-ci va au-delà de sa majorité légale.

Mais qu’en est-il lorsque le parent à charge ne remplit pas les conditions économiques minimales requises ? Le Royaume Uni fait valoir que Mme Teixeira n’est pas en mesure de subvenir à ses propres besoins, c’est-à-dire ne dispose pas d’un revenu stable ou d’une assurance maladie complète. L’avocat général se réfère à l’article 12 du règlement n°1612/68, dont l’application n’a jamais suscité de la part de la Cour de justice des considérations de nature économique, et relève qu’il s’agit là de la différence majeure qui existe entre ce règlement et la directive 2004/38, qui ne saurait se substituer en totalité à celui-là, ni même lui imposer une interprétation plus restrictive.

Il est intéressant de se référer aux conclusions de l’avocat général Mazák dans l’affaire 310/08, London Borough of Harrow contre Nimco Hassan Ibrahim, rendues le même jour, et portant sur un litige en tout point semblable à celui-ci, sinon que le requérant est ressortissant d’un Etat tiers. L’affaire est tranchée dans le même sens que l’affaire Teixeira, en suivant un raisonnement remarquablement similaire. En effet, c’est ici la nationalité de l’enfant à charge et non celle de son parent qui importe.


Reproduction autorisée avec indication : Nicolas Jade Bitar, "Un droit de séjour sur le territoire communautaire pour pourvoir aux besoins de l’enfant y résidant légalement : interprétation large et absence de d’exigences économiques.", www.ceje.ch, actualité du 28 octobre 2009.