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Publication de lignes directrices sur la libre circulation des citoyens dans l’UE

Silvia Gastaldi , 21 juillet 2009

La Commission européenne a publié, le 2 juillet 2009, des lignes directrices relatives à la directive 2004/38 sur le droit de séjour des citoyens de l’Union et des membres de leur famille sur le territoire des Etats membres (voir COM (2009) 313 final). Ce nouvel instrument fait suite au rapport de la Commission du 10 décembre 2008 qui signalait un certain nombre de problèmes dans la transposition et l’application de la directive par les Etats membres (voir COM (2008) 840 final). Bien que non juridiquement contraignantes, les lignes directrices fournissent des orientations sur l’interprétation de la directive que les Etats membres pourront prendre en compte aux fins d’éviter notamment une procédure en manquement.

Premièrement, la Commission commence par préciser la définition de membres de la famille, notamment la notion de partenaire et de membre « à charge ». Elle affirme ensuite que les garanties procédurales de la directive (notamment la motivation écrite en cas de refus du droit de séjour et la possibilité de faire recours) s’appliquent non seulement aux membres de la famille ordinaire mais également aux membres de la famille étendue au sens de l’article 3 § 2 de la directive, à savoir ceux qui n’ont pas de droit subjectif au séjour mais dont le séjour doit être favorisé par l’Etat membre d’accueil.

La Commission cherche à résoudre, deuxièmement, les problèmes des visas d’entrée pour les membres de la famille d’un citoyen qui sont ressortissants d’un pays tiers. Elle rappelle notamment que la directive 2004/38 établit un droit à l’obtention d’un visa d’entrée pour ces personnes dans l’Etat membre d’accueil et ceci dans les meilleurs délais. La Commission fixe le délai de délivrance maximum à quatre semaines par analogie avec l’article 23 du code communautaire des visas. De plus, la Commission exige des Etats membres qu’ils donnent un accès direct au consulat pour ces membres de la famille, en particulier lorsque les Etats ont externalisé le traitement des demandes, ce qui entraîne des difficultés d’accès au service et/ou des coûts supplémentaires pour les intéressés.

La Commission traite, troisièmement, des conditions de séjour des citoyens inactifs, notamment de l’exigence des ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’Etat membre d’accueil. La Commission résume la jurisprudence sur la question et précise que les moyens suffisants ne doivent pas correspondre obligatoirement à des ressources régulières mais peuvent aussi se présenter sous la forme d’un capital accumulé. S’agissant des citoyens qui, suite à un changement de circonstances, font appel à l’aide sociale pendant leur séjour, la Commission établit une liste de critères à examiner pour que l’Etat membre d’accueil puisse les considérer comme « une charge déraisonnable » et leur retirer leur droit de séjour, voire les éloigner de son territoire. A cet égard, la Commission exige le respect du principe de proportionnalité et la prise en compte de la durée du séjour, de la situation personnelle du citoyen, ainsi que du montant de l’aide accordée.

Quatrièmement, la Commission donne des indications aux Etats membres sur les conditions de limitations du séjour des citoyens et des membres de leur famille pour des motifs d’ordre public et de sécurité publique, notamment sur les éléments à prendre en compte dans l’examen de la proportionnalité d’une mesure d’éloignement. Elle insiste également sur l’existence d’une différence entre les notions de sécurité publique et d’ordre public, la première ne pouvant rentrer dans le cadre de la seconde. Ceci est d’autant plus important pour les citoyens ayant résidé dix années sur le territoire de l’Etat membre d’accueil, ainsi que pour les mineurs, car ceux-ci peuvent uniquement être éloignés en présence de motifs graves de sécurité publique au sens de l’article 28 de la directive.

Enfin, la Commission donne son interprétation des conditions d’application de l’article 35 de la directive 2004/38 qui permet aux Etats membres de refuser ou de retirer le droit de séjour en cas de fraude ou d’abus. Il s’agit d’orienter les Etats membres en cas de suspicions de mariages de complaisance ou de contournements de la législation nationale en matière d’immigration.

S’agissant des mariages de complaisance, la Commission précise que cette qualification ne peut résulter du seul fait qu’un mariage facilite l’immigration, mais doit s’établir lors d’une enquête. Selon elle, un abus semble exclu en présence d’une relation de longue durée ou d’un engagement juridique ou financier à long terme entre les deux époux. En revanche, comme critères indicatifs autorisant une enquête figurent, selon la Commission, l’absence de rencontre entre les époux avant le mariage, l’absence de langue compréhensible pour les deux époux, ainsi qu’un divorce intervenant peu de temps après l’obtention du droit de séjour. En tous cas, la Commission interdit aux Etats membres d’effectuer des contrôles systématiques, notamment ceux visant uniquement une catégorie ethnique de migrants.

Un second cas d’abus concerne les citoyens de l’Union qui ne peuvent pas obtenir le regroupement familial dans leur Etat membre d’origine et qui exercent leur liberté de circulation dans un autre Etat membre pour une courte durée dans le seul but d’obtenir, à leur retour dans leur Etat d’origine, un droit de séjour au sens de la directive 2004/38 pour les membres de leur famille qui sont ressortissants d’un Etat tiers. La Commission considère que l’utilisation du droit communautaire à cette fin ne constitue pas per se un abus de droit du moment que l’exercice préalable de la libre circulation dans un autre Etat membre peut être qualifié de « réel et effectif ». Aux termes des lignes directrices, l’examen des circonstances du déplacement du citoyen (p. ex. offre d’emploi, tentatives infructueuses d’obtenir le droit de séjour), du caractère effectif et réel de son séjour (efforts fournis pour s’établir dans l’Etat d’accueil, accomplissement des formalités d’enregistrement, logement), ainsi que des circonstances de son retour dans l’Etat membre d’origine (retour immédiat après le mariage) constituent des éléments à prendre en compte pour apprécier le caractère réel et effectif de l’exercice de la liberté de circulation et décider d’ouvrir une enquête.

Sur la base de ces lignes directrices, les Etats membres devraient aligner leurs pratiques en vue de faciliter la libre circulation et clarifier les droits des huit millions de citoyens ayant déjà exercé leur droit de circuler. Les critères établis par la Commission permettront en tout cas d’améliorer la qualité de la motivation des Etats membres en cas de refus ou retrait du droit de séjour, ainsi qu’en cas d’éloignement pour des motifs d’ordre public ou de sécurité publique. La Cour de justice pourra toujours être amenée à interpréter la directive 2004/38 lors de procédures en manquement ou de questions préjudicielles concernant cet instrument car les orientations de la Commission ne préjugent en rien d’une interprétation différente de la Cour.


Reproduction autorisée avec indication : Silvia Gastaldi, "Publication de lignes directrices sur la libre circulation des citoyens dans l’UE", www.ceje.ch, actualité du 21 juillet 2009.