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Reconnaissance des diplômes : compétence des Etats membres de réglementer le niveau minimal de qualification requis pour l’exercice d’une profession

Mihaela Nicola , 6 février 2009

Le 29 janvier 2009, la Cour de justice a eu l’occasion de préciser la portée de ses arrêts antérieurs concernant l’application de la directive 89/48 relative au système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans.

M. Cavallera, ressortissant italien, a obtenu en 1999 dans son Etat d’origine un diplôme d’ingénieur mécanicien sanctionnant un cycle d’études d’une durée de trois ans. Toutefois, ce diplôme ne lui donne pas directement accès à la profession d’ingénieur mécanicien en Italie. Conformément à la réglementation nationale, l’exercice de la profession d’ingénieur est subordonné à l’obtention du diplôme académique et à la réussite de l’examen d’Etat.

En Espagne, les diplômes universitaires sanctionnant la qualification d’ingénieur, obtenus après trois années d’études, suffisent pour exercer ladite profession. M. Cavallera demande et obtient en Espagne l’homologation de son diplôme italien et s’inscrit au Collège des ingénieurs de Catalogne.

Disposant d’un diplôme lui ouvrant l’accès à la profession d’ingénieur en Espagne, M. Cavallera sollicite en Italie la reconnaissance de ce titre afin d’y exercer, pour la première fois, la profession d’ingénieur mécanicien. Etant donné que le certificat d’homologation espagnol ne sanctionne aucune formation relevant du système éducatif espagnol et ne repose ni sur un examen ni sur une expérience professionnelle acquise en Espagne, le juge national italien pose une question préjudicielle à la Cour de justice aux fins de déterminer si M. Cavallera peut jouir de la reconnaissance de son titre espagnol en Italie.

La Cour de justice analyse d’abord si le titre espagnol dont se prévaut M. Cavallera peut être considéré comme « un diplôme » au sens des dispositions de la directive 89/48, en particulier à la lumière de son article 1er, sous a), premier alinéa. Conformément à cet article, un diplôme étranger peut faire l’objet d’une reconnaissance si trois conditions sont remplies. Premièrement, la demande de reconnaissance doit viser un titre délivré par une autorité compétente dans un Etat membre. Deuxièmement, son titulaire doit avoir suivi avec succès un cycle d’études postsecondaires d’une durée minimale de trois ans. Enfin, le titre soumis à la reconnaissance doit attester que le titulaire possède les qualifications professionnelles requises pour accéder à une profession réglementée dans un Etat membre ou l’exercer.

Examinant ces conditions, la Cour de justice estime que la définition de la notion de « diplôme » contenue à l’article 1er, sous a), de la directive 89/48, couvre le titre espagnol dont fait état M. Cavallera. Elle analyse ensuite si la directive 89/48 exige qu’une relation immédiate soit établie entre le « diplôme » dont M. Cavallera se prévaut et le cycle d’études que ce diplôme atteste.

Le Conseil italien de l’ordre des ingénieurs estime que la directive 89/48 opérerait une distinction entre l’endroit géographique où les intéressés à la reconnaissance ont suivi la formation et celui où ils cherchent à se prévaloir de leurs qualifications professionnelles. A l’appui de cet argument, il invoque les libellés de certaines versions linguistiques de la directive 89/48. Conformément aux versions italienne et hongroise, l’article 1er, sous b), de la directive 89/48 vise la demande d’un ressortissant « d’un autre Etat membre », en lieu et place d’un ressortissant « d’un Etat membre ». S’agissant des versions allemande et hongroise, l’article 2, premier alinéa, de la directive fait référence à l’exercice d’une profession réglementée « dans un autre Etat membre », à la différence du reste des versions qui se référent à l’exercice d’une profession réglementée « dans un Etat membre d’accueil ».

A cet égard, la Cour de justice confirme sa jurisprudence relative à l’interprétation de versions linguistiques divergentes (voir les arrêts EMU Tabac e.a. et Zuid-Hollandse Milieufederatie). La nécessité d’une application et d’une interprétation uniformes des dispositions du droit communautaire exclut que, en cas de doute, le texte d’une disposition soit considéré isolément dans certaines de ses versions. Dès lors, l’article 1er, sous b) et l’article 2, premier alinéa, de la directive 89/48 doivent être interprétés et appliqués à la lumière de la majorité des versions linguistiques qui contiennent simplement l’indication d’« Etat membre » ou d’« Etat membre d’accueil ».

La Cour de justice rappelle en outre que l’objectif de la directive vise la suppression des obstacles à l’exercice d’une profession dans un Etat membre autre que celui qui a délivré le titre établissant les qualifications professionnelles. De ce fait, un titre attestant de qualifications professionnelles ne peut être assimilé à un « diplôme » au sens de la directive 89/48 que s’il y a acquisition, en tout ou partie, des qualifications dans le cadre du système éducatif de l’Etat membre de délivrance de ce titre. Dans la mesure où le certificat d’homologation obtenu en Espagne se borne à constater la validité officielle du diplôme obtenu en Italie, sans attester une qualification supplémentaire ou une expérience professionnelle, il ne saurait faire l’objet d’une reconnaissance aux fins de l’exercice en Italie de la profession d’ingénieur.

Cet arrêt permet de déterminer les obligations des Etats membres de procéder à la reconnaissance d’un titre étranger qui sanctionne des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans. Dans ses conclusions, l’avocat général Maduro proposait une interprétation différente, qualifiant le titre d’homologation de « diplôme » au sens de la directive 89/49. Il subordonnait par contre l’admissibilité de la demande de reconnaissance à la condition que la demande ne soit pas constitutive d’une pratique abusive.

L’interprétation par la Cour de justice permet de préserver les compétences des Etats membres de fixer le niveau minimal de qualification nécessaire à l’exercice d’une profession, en vue de garantir la qualité des prestations fournies sur leur territoire.


Reproduction autorisée avec indication de la source : Mihaela Nicola, "Reconnaissance des diplômes : compétence des Etats membres de réglementer le niveau minimal de qualification requis pour l’exercice d’une profession", www.ceje.ch, actualité du 6 février 2009.