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Elargissement de l’espace Schengen à la Pologne

Beata Jastrzebska , 17 septembre 2007

Dans un climat de tension politique, à peine quelques jours avant son autodissolution, la chambre basse du parlement polonais, la Diète, a adopté, le 24 août 2007, la loi relative à l’entrée de cet Etat dans l’espace Schengen. Conformément à la procédure législative interne, la loi a été transférée à la chambre haute du Parlement, le Sénat, qui, sans proposer d’amendements, l’a approuvée le 4 septembre dernier par un vote sans précédent de 91 voix contre 1. A présent, la loi est soumise au Président pour signature.

Énonçant les modalités d’adhésion de la Pologne au Système d’information Schengen (SIS) et au Système d’information sur les visas (VIS), la loi prévoit notamment la création d’un système informatique interne sophistiqué permettant une consultation accélérée des données contenues dans le SIS. Elle définit les compétences des organes d’administration ayant droit d’y accéder et désigne le Ministère des Affaires intérieures en tant qu’organe de contrôle.

Le débat précédant l’adoption de la loi a unanimement fait état des avantages résultant pour la Pologne de son entrée dans l’espace Schengen. La seule question qui a été débattue concernait le statut des personnes ayant des origines polonaises et vivant sur le territoire de l’ancienne URSS appartenant en partie à la Pologne avant la seconde guerre mondiale. Selon certains parlementaires, ces citoyens seraient pénalisés par l’exigence d’un visa en vue d’entrer sur le territoire polonais. Bien que cette exigence existe déjà, le coût d’un visa passera avec l’entrée de Pologne dans l’espace Schengen de 35 à 60 euro. De ce fait, les parlementaires dénonçaient la création d’un rideau de fer pour les frontaliers ayant des origines polonaises et désirant se rendre en Pologne. Répondant à cette interpellation, le Gouvernement a fait valoir la possibilité d’introduire des dispenses de frais administratifs pour les personnes pouvant prouver leur origine polonaise. Il a été prévu que chaque personne dont un parent ou un grand parent était polonais et qui confirmera ses liens avec la culture polonaise en prouvant une connaissance au moins passive de la langue se verra octroyer un document appelé la « Carte du Polonais ». Mis à part la dispense des frais perçus pour le traitement d’une demande de visa Schengen, la « Carte du Polonais » permettra à son titulaire de bénéficier de certains autres avantages, tels que des billets de trains et d’entrées aux musées à un tarif réduit. En revanche, les titulaires de ce document ne se verront pas faciliter l’accès au marché du travail. L’attribution de la Carte n’équivaudra pas à une attestation officielle de la nationalité polonaise de l’intéressé et, de ce fait, ne lui permettra pas de jouir des droits garanties aux ressortissants polonais sur le territoire de l’Union européenne.

L’adoption de la loi précitée se situe dans la phase finale du processus de l’adhésion des nouveaux Etats membres de l’Union européenne à l’espace Schengen. Disposant de la plus longue frontière extérieure terrestre de l’Union européenne (1 200 km), la Pologne assume une responsabilité particulière en vue de garantir un contrôle efficace des frontières avec l’enclave russe de Kaliningrad, la Biélorussie et l’Ukraine. Dans son rapport de suivi de 2003, la Commission européenne avait considéré que la Pologne devait consentir des efforts considérables, après son adhésion, en matière de contrôles aux frontières avant d’être en mesure d’adhérer à l’espace Schengen. En effet, à l’époque communiste, le contrôle aux frontières polonaises était sous la responsabilité des troupes du Pacte de Varsovie. Par ailleurs, le rôle de la garde frontière polonaise consistait moins à surveiller l’entrée sur le territoire, que d’empêcher les ressortissants de ce pays de s’enfuir à l’ouest. L’essentiel des effectifs de la garde frontière était concentré à la frontière occidentale avec l’ancienne République démocratique allemande et la Tchécoslovaquie. Les autorités polonaises ont donc été amenées, ces dernières années, à réformer profondément le système de surveillance des frontières. Le nombre de postes frontières à l’est a été augmenté, ce qui a permis de réduire la distance entre chaque poste de 100 à 20 km en moyenne. Les autorités douanières ont été dotées d’équipements modernes et plus performants. La Pologne a reçu une aide financière importante de l’Union européenne afin de perfectionner le système de contrôle.

Pareils préparatifs ont été conduits dans les autres nouveaux Etats membres de l’Union européenne. Les inspections préalables de la Commission européenne effectuées récemment dans tous ces Etats ont permis d’apprécier positivement les travaux effectués. En conséquence, le 5 décembre 2006, le Conseil de l’Union européenne a adopté les conclusions concernant l’élargissement de l’espace Schengen (PDF) contenant des précisions quant à son déroulement.

Initialement prévu pour octobre 2007, l’élargissement a dû être reporté pour des raisons techniques car la connexion des nouveaux Etats membres au Système d’information Schengen est requise. Or, le système actuel, qui contient près de quinze millions de données ne dispose pas des capacités suffisantes pour assurer l’accès des nouveaux Etats. C’est la raison pour laquelle la création d’un système plus efficace, SIS II, a été lancée par la Commission européenne. Le projet, technologiquement très ambitieux, incluant notamment le stockage de données biométriques, ne pourra pas être réalisé avant 2008. Le retard a été jugé inacceptable par les Etats membres issus de l’ex-bloc communiste dont les dirigeants ont fait de la liberté de circulation une priorité politique et économique ainsi que l’un des arguments majeurs en faveur de l’adhésion à l’Union européenne. En conséquence, une solution provisoire, appelée SISone4all, a été choisie par le Conseil de l’Union européenne consistant à élargir temporairement le SIS existant aux nouveaux venus en attendant la mise en place de sa version plus sophistiquée. De nouveaux contrôles ayant pour but de vérifier si les Etats membres ont procédé aux adaptations nécessaires en vue de rendre le SIS existant opérationnel sur leur territoire ont été effectués donnant un résultat positif dans des neuf sur dix Etats. L’adhésion de Chypre à l’espace Schengen devrait intervenir ultérieurement en raison de préparatifs inachevés. Ainsi, le 11 juillet 2007, le Conseil de l’Union européenne a adopté un projet de décision (PDF) sur l’élargissement de l’espace Schengen aux neuf de dix Etats nouvellement membres de l’Union européenne. Le projet prévoit que l’élargissement se fera dès le 31 décembre 2007 en ce qui concerne les frontières terrestres et maritimes et dès le 29 mars 2008 pour les aéroports.

En ce qui concerne la Suisse, la procédure de l’adhésion à l’espace Schengen est également en cours. Après le vote positif en faveur de l’association à Schengen du 5 juin 2005, le Conseil fédéral a décidé, le 16 mais 2007, d’adopter la solution transitoire SISone4all. Les travaux qui permettront la réalisation du raccordement de la Suisse à ce système, l’introduction du visa Schengen et de la procédure de Dublin avancent actuellement à pleine vitesse afin que les accords puissent entrer en vigueur le 1er novembre 2008. D’ici là, l’UE procédera à l’évaluation de la mise en oeuvre des dispositions de Schengen en Suisse, notamment dans les domaines suivants : coopération en matière de police, SIS, protection des données, sécurisation des frontières extérieures (dans les aéroports) et coopération en matière de visas.


Reproduction autorisée avec indication : Beata Jastrzebska, "Elargissement de l’espace Schengen à la Pologne", www.ceje.ch, actualité du 17 septembre 2007.