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Indications géographiques et convention sur la diversité biologique : la position communautaire au sein de l’OMC

Matteo Gragnani , 19 novembre 2008

Le 30 octobre 2008 a eu lieu la session spéciale du Conseil des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Conseil des ADPIC). Une fois de plus, les membres n’ont pas comblé leur divergences de fond concernant les indications géographiques, noms de lieux (ou aussi des mots associés à un lieu) utilisés pour identifier la qualité, la réputation ou d’autres caractéristiques des produits essentiellement dues à leur origine. Au sujet des indications géographiques, seule la création d’un registre multilatéral concernant les vins et spiritueux ferait partie du mandat de la session spéciale. Toutefois, une large majorité des membres considère que deux autres questions doivent être examinées parallèlement car elles sont strictement liées à celle du registre. Il s’agit de l’extension à tous les produits du niveau de protection plus élevé existant pour les vins et les spiritueux (article 23 de l’accord ADPIC), et de la relation entre la convention sur la diversité biologique (CDB) et l’accord sur les ADPIC.

La protection actuellement assurée par l’accord ADPIC (articles 22, 23 et 24) aux indications géographiques est considérée insuffisante par de nombreux membres. Les Communautés européennes sont les plus concernées car elles détiennent la plupart des produits identifiés par des indications géographiques. A titre d’exemple, la France et l’Italie comptent chacune plus des 450 indications géographiques auxquelles correspond une valeur commerciale d’environ 40 milliards d’euros. Seul le phénomène de la contrefaçon des produits italiens, italian sounding, représente un business de 50 milliards d’euros. Au niveau mondial, pour chaque produit authentiquement italien 3 produits contrefaits sont vendus.

Les Communautés européennes (CE) insistent sur l’importance des indications géographiques afin d’assurer la qualité des produits, la protection des consommateurs contre l’induction en erreur, le soutien aux communautés des producteurs et, par conséquent, le développement des régions rurales. Les CE soulignent également la valeur des indications géographiques en tant qu’instrument juridique capable de préserver un patrimoine millénaire, représenté par les méthodes de culture et de production traditionnelles.

Dans le contexte du commerce global, caractérisé par une libéralisation croissante des produits agricoles, à laquelle les CE ont contribué fortement à travers de la réduction des leurs subventions et droits douaniers, les indications géographiques sont un moyen indispensable, capable d’assurer la compétitivité des productions européennes sur les marchés internationaux. Depuis plus de dix ans de négociations, la discipline ADPIC en matière n’offre pas une protection adéquate au contexte du commerce mondial. Pour ces raisons, les CE ont souvent déclaré qu’un accord portant sur les questions liées aux indications géographiques constitue une conditio sine qua non afin d’aboutir à une conclusion positive du Cycle de Doha.

A partir de mai 2008, les CE et les autres défenseurs des indications géographiques ont, grâce à leur soutien en faveur de l’utilisation du système ADPIC pour sauvegarder la biodiversité, obtenu, en échange, l’appui des membres partisans du lien entre l’accord sur les ADPIC et la convention sur la diversité biologique (l’Inde, le Brésil, la Chine, le Pérou, la Thaïlande, le group africaine et le group ACP.) Cette alliance stratégique s’est concrétisée dans la proposition du 19 juillet 2008 (document TN/C/W/52), qui définit les lignes directrices concernant le registre, l’extension de la protection plus élevée à tous les produits et l’amendement de l’accord ADPIC en fonction des exigences liées à la protection de la biodiversité et des savoirs traditionnels. De plus, le document TN/C/W/52, actuellement soutenu par 110 membres OMC, contient l’exhortation à que ces trois questions soient traitées dans le cadre du Cycle de Doha en tant que partie de l’engagement unique. Cette proposition est vivement critiquée par une minorité des membres en raison de son contenu. Il s’agit notamment des Etats-Unis, de l’Argentine, de l’Australie, du Chili, de la Nouvelle Zélande, du Mexique, de la Corée, du Canada, du Costa Rica, de la République dominicaine, de Singapour, du Guatemala, de l’Honduras, d’El Salvador, du Nicaragua, du Taipei Chinois et, enfin, de l’Afrique du Sud.

Premièrement, les CE et les promoteurs du TN/C/W/52 indiquent les modalités pour l’établissement d’un registre des indications géographiques pour les vins et spiritueux. La participation au registre serait obligatoire pour tous les membres de l’OMC et entraînerait des effets juridiques contraignants. Une fois inscrite dans le registre, l’indication géographique devrait être tenue en compte, et donc protégée, par les autorités des membres de l’OMC lorsqu’elles prendront, conformément à leurs procédures internes, des décisions concernant l’enregistrement et la protection de marques de fabrique ou de commerce et d’indications. Dans le cadre de ces procédures, et jusqu’à preuve du contraire au cours de celles ci, le registre sera considéré comme un élément prouvant prima facie que, dans ce membre, l’indication géographique enregistrée répond à la définition d’une "indication géographique" énoncée à l’article 22:1 de l’accord sur les ADPIC. La conséquence juridique du registre proposé et le caractère obligatoire de la participation sont fortement contestés par le groupe des opposants. Ceux-ci demandent une participation volontaire à un registre dépourvu d’effets juridiques contraignants et caractérisé par une valeur purement informative.

Deuxièmement, les 110 membres proposent l’extension du niveau de protection plus élevé (article 23 de l’accord ADPIC) à des produits autres que les vins et les spiritueux. De cette façon, une fois établi, le registre devrait s’appliquer aux indications géographiques relatives à tous les produits. En fait, les CE et les autres coauteurs considèrent qu’aucune raison ne justifie le régime différentié en vigueur et que, par conséquent, une telle modification réaliserait un juste équilibre entre les produits concernés et l’ensemble de membres.

Troisièmement, en ce qui concerne la biodiversité, le document TN/C/W/52 propose l’amendement de l’accord sur les ADPIC afin d’y inclure une prescription impérative concernant la divulgation de l’origine des ressources génétiques. Sa finalité est celle d’empêcher l’appropriation frauduleuse des ressources génétiques et d’améliorer l’accès et le partage des avantages. Par contre, les opposants refusent le parallélisme entre la CDB et les ADPIC en le considérant artificiel. Ils souhaitent que la lutte contre la bio-piraterie et la sauvegarde soit envisagée dans le cadre, plus approprié, de l’OMPI. De plus, ils objectent que seul le registre relève du mandat de la session spéciale du Conseil sur les ADPIC et affirment que l’inclusion de ces questions dans le cadre de l’engagement unique compliquerait ultérieurement la conclusion du Cycle de Doha.

Lors de la dernière réunion de la session spéciale du Conseil des ADPIC, les CE ont fait appel au sens de la responsabilité des membres qui s’opposent, étant donné que la proposition TN/C/W/52 constitue la seule base concrète, expression d’un consensus émergent, pour avancer dans ce domaine et compte tenu du fait qu’elle a l’appui de plus des 2/3 des membres de l’OMC. En conclusion, l’évolution positive de cette question peut largement influencer la conclusion du cycle de Doha.


Reproduction autorisée avec indication de la source : Matteo Gragnani, "Indications géographiques et convention sur la diversité biologique : la position communautaire au sein de l’OMC",  www.ceje.ch, actualité du 19 novembre 2008.

Catégorie: Action extérieure