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Finalisation par les Chambres fédérales du texte pour la mise en œuvre de l’initiative contre l’immigration de masse

David Trajilovic , 19 décembre 2016

Le 1er décembre 2016, le Conseil des Etats avait proposé un modèle dit « light » quant à la mise en œuvre de l’article 121a de la Constitution fédérale (« initiative contre l’immigration de masse »). Le 12 décembre, le Conseil national a mis un terme aux derniers débats et échanges en mettant sur la table un texte définitif. Le 16 décembre, les deux Chambres fédérales ont approuvé le texte final.

 Ce projet de mise en œuvre du Conseil national a été légèrement modifié par rapport à celui du Conseil des Etats. A cet égard, on peut notamment mentionner la suppression de la mesure qui était controversée et qui visait à obliger les employeurs à justifier les refus d’embauche des chômeurs inscrits auprès des offices régionaux de placement suisses (ORP). Trois éléments se dégagent clairement du texte final.

 Premièrement, le Conseil fédéral doit prendre des mesures visant à épuiser le potentiel de la main-d’œuvre présente en Suisse, en adoptant notamment des dispositions liées à la formation par exemple.

 Deuxièmement, les employeurs auront l’obligation d’annoncer les postes vacants auprès des ORP suisses. Ces dernières devront ensuite sélectionner les candidats parmi les chômeurs inscrits, qu’ils soient ressortissants suisses ou d’un Etat membre de l’Union européenne. Ceux-ci seront ensuite convoqués par l’employeur pour un entretien ou un test d’aptitude. Enfin, les résultats de ces différents entretiens ou tests devront être communiqués auprès des ORP suisses, sans toutefois exiger de l’employeur qu’il se justifie en cas de refus des candidats. Les employeurs encourront jusqu’à CHF 40'000.- d’amende s’ils enfreignent leurs obligations. En revanche, cette procédure contraignante ne s’appliquera que pour des groupes de profession, des domaines d’activité ou des régions économiques (comme le Tessin, voire des cantons qui subissent de graves problèmes liés à la présence d’une forte main-d’œuvre venant de l’étranger) enregistrant un taux de chômage supérieur à la moyenne. A l’inverse, le Conseil fédéral peut exempter l’application de cette procédure aux entreprises familiales.

Enfin, le troisième élément concerne la possibilité pour le Conseil fédéral de prendre des mesures supplémentaires en les soumettant au Parlement s’il est constaté que l’effet désiré n’est pas atteint. Néanmoins, ces mesures devront rester compatibles avec les accords internationaux conclus par la Suisse, particulièrement l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) et les accords bilatéraux conclus avec l’Union européenne.

 Bien que le Conseil fédéral, et une partie de la classe politique, ont fait valoir que la solution finale s’écartait de la volonté populaire exprimée par cet article 121a Cst. féd, il n’en reste pas moins qu’une mise en œuvre stricte de cette disposition aurait conduit à une violation de l’ALCP et des accords bilatéraux conclus avec l’Union européenne. Ainsi, la majorité au sein des Chambres fédérales n’a pas souhaité introduire de quotas pour les permis de séjour et a interprété la notion de « préférence nationale » comme un critère basé sur le lieu et non sur la nationalité (préférence indigène donc). Tous ces éléments devraient donc conduire à la sauvegarde des accords bilatéraux conclus avec l’Union européenne, et permettent au Conseil fédéral de ratifier le protocole d’extension de l’ALCP à la Croatie, et à la Suisse de retrouver pleinement son statut d’Etat associé au programme-cadre de recherche Horizon 2020. Par ailleurs, la Commission européenne a déclaré que ce texte final « semble aller dans la bonne direction » et qu’elle analysera en détail ce projet dans les jours à venir.

 Une autre bataille se joue en même temps : l’initiative, dit initiative « sortons de l’impasse ! Renonçons à rétablir des contingents (RASA) », qui doit être soumise à votation, vise à supprimer l’article 121a de la Constitution fédérale. Les initiants souhaiteraient éviter que des contingents de permis de séjour puissent être inscrits dans cette disposition constitutionnelle. De son côté, le Conseil fédéral devrait discuter dès le 16 décembre de la mise sur pied d’un contre-projet direct à cette initiative en proposant la voie suivante : garder l’article 121a dans la Constitution fédérale, mais en le complétant par un paragraphe qui prévoit que le Conseil fédéral aura la mainmise sur l’immigration en provenance de l’Union européenne dans le cadre des accords bilatéraux conclus avec celle-ci. En d’autres termes, l’idée est d’inscrire l’importance des bilatérales dans la Constitution fédérale. Toutefois, il n’y a pas encore d’entente collégiale concernant cette option au sein du gouvernement. Les parlementaires, quant à eux, sont partagés sur le principe d’un contre-projet. Certains estiment que ce dernier n’est pas nécessaire, car l’initiative devait de toute manière être mise en œuvre de manière conforme aux accords bilatéraux. D’autres au contraire pensent que le contre-projet pourrait donner au peuple le pouvoir de choisir entre la sauvegarde des bilatérales et les contingents de permis de séjour.

 Au final, les initiants encouragent vivement les Chambres fédérales à soutenir un contre-projet. En effet, ils ont indiqué que si le contre-projet en préparation sera compatible avec les accords bilatéraux, et qu’il sera soumis en votation populaire, ils seraient prêts à retirer l’initiative RASA, ce qui éviterait de rendre caduc le texte final de la mise en œuvre de l’article 121a Cst. féd.


 

David Trajilovic, "Finalisation par les Chambres fédérales du texte pour la mise en œuvre de l’initiative contre l’immigration de masse", Actualité du 19 décembre 2016, disponible sur www.ceje.ch