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Vers un renforcement de l’espace Schengen : la Suisse, partie prenante

Alicja Zapedowska , 28 novembre 2016

1,5 million – tel est le chiffre estimé des personnes qui ont franchi illégalement les frontières extérieures de l’Union européenne depuis le début de l’année 2016. Compte tenu de l’absence de frontières intérieures, ce résultat alarmant affecte tous les Etats de l’espace Schengen, y compris la Suisse, et démontre qu’un contrôle efficace doit être mis en place afin de maintenir le futur du système.

Dans l’intention de pallier l’insuffisance des moyens à disposition pour gérer les frontières extérieures de l’Union, la Commission européenne a proposé de mettre en place un règlement qui remplacerait le code frontières Schengen, le règlement Frontex et le règlement Rabit, ainsi que la décision 2005/267 du Conseil de l’Union européenne par une meilleure gestion de la migration. Le nouveau règlement 2016/1624 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes a été approuvé par le Conseil le 14 septembre 2016. Cet instrument met en place une agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après: l’Agence) qui remplace l’agence Frontex et intègre les autorités nationales responsables de la gestion des frontières. Il prévoit également l’instauration d’une réserve de réaction rapide composée de 1500 gardes-frontières. Dans ce cadre-là, la Suisse a accepté de mettre à disposition 16 agents spécialisés, à savoir 0.8% du Corps des garde-frontières, un chiffre raisonnable compte tenu de la taille des autorités de contrôle et des frontières de la Confédération suisse. Le nouveau règlement donne également à l’Agence le pouvoir de procéder à l’évaluation de la vulnérabilité des Etats membres, soit de leur capacité à faire face aux défis actuels en matière de sécurité. Lorsqu’une situation met en danger l’espace Schengen, l’Agence peut, en dernier ressort et sur décision du Conseil, prendre des mesures aux frontières extérieures en coopération avec l’Etat concerné par la nécessité. L’Agence ne peut toutefois agir sur le territoire d’un Etat sans son accord. Le refus de l’Etat de donner suite aux instructions du Conseil ou de l’Agence pourra, le cas échéant, résulter en une réintroduction temporaire de frontières intérieures. Finalement, l’Agence est pourvue de missions renforcées relatives à l’assistance et la coordination des activités des Etats membres liés aux retours.

La participation de la Suisse au développement actuel est attendue étant donné sa présence dans l’espace Schengen depuis 2008 et son engagement dans les opérations de l’Agence Frontex depuis 2011. De manière générale, l’article 2, paragraphe 3, de l’accord d’association à Schengen (AAS) prévoit que la Suisse est tenue de mettre en œuvre les développements de l’acquis Schengen, sous réserve de l’article 7 AAS, lequel a trait à la procédure spéciale relative aux exigences constitutionnelles suisses. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, lettre a, AAS, le Conseil communique à la Suisse l’adoption d’un acte constituant un développement de l’acquis Schengen, laquelle dispose d’un délai de 30 jours pour se prononcer sur la reprise dudit acte dans son ordre juridique. Cependant, au sens de la lettre b du même article, lorsque les obligations constitutionnelles de la Confédération suisse exigent une procédure interne plus longue pour être liée par l’acte concerné, elle doit le notifier au Conseil et à la Commission européenne. Conformément à l’article 166 de la Constitution suisse, c’est à l’Assemblée fédérale que revient la compétence d’approuver l’échange de notes nécessaire à la reprise du développement Schengen, soumis par ailleurs à la possibilité d’un référendum facultatif au sens de l’article 141, lettre d, chiffre 3, de la Constitution suisse. Si un référendum est demandé, la Suisse dispose d’un délai de deux ans au maximum pour notifier la décision d’accepter ou non l’acte concerné. In casu, le Conseil a notifié l’adoption du règlement relatif à l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes le 22 septembre 2016, ce qui laisse à la Suisse un délai jusqu’au 22 septembre 2018 pour reprendre et mettre en œuvre le règlement. A ce jour, le Conseil fédéral a mandaté le Département fédéral des finances pour mener à bien une procédure de consultation au sein des divers milieux concernés, laquelle prendra fin le 27 janvier 2017.

L’acceptation par la Suisse du développement relatif aux garde-côtes et gardes-frontières engendrera pour la Suisse des conséquences financières. En effet, le but de ce nouvel instrument est de renforcer les moyens et missions de l’Agence, ce qui nécessitera une hausse proportionnelle des contributions.  Selon les estimations, la Suisse dépensera en 2020 environ 14.2 millions d’euros, c’est-à-dire plus du triple de sa contribution en 2015. Cependant, étant donné que l’Agence s’occupera davantage de la gestion du flux migratoire et des retours forcés, il faudra s’attendre au final à des économies dans ce domaine.

Finalement, le règlement 2016/1624 institue un système opérationnel et de coordination, permettant une intervention rapide. La Suisse faisant partie de l’espace Schengen, elle a tout avantage à renforcer les frontières extérieures de cet espace, en adoptant les développements envisagés dans cet espace. Dans le cas contraire, le refus du nouvel acte pourrait, en dernier ressort et sous réserve d’une décision autre du Comité mixte, conduire à la fin de l’accord d’association de la Suisse à Schengen, au sens de l’article 7, paragraphe 4, AAS.

Alicja Zapedowska, « Vers un renforcement de l’espace Schengen : la Suisse, partie prenante », Actualité du 28 novembre 2016, disponible sur www.ceje.ch.