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Quel futur pour la libre circulation entre l’Union européenne et la Suisse ? Le point sur le débat helvétique

Alicja Zapedowska , 31 octobre 2016

Le délai pour mettre en œuvre l’initiative « contre l’immigration de masse », le 9 février 2017, approche à grand pas et les scénarios politiques les plus variés ne cessent d’être mis avant. En effet, la primauté de l’Accord sur la libre circulation des personnes affirmée par le Tribunal fédéral dans un jugement rendu le 26 novembre 2015 (arrêt 2C_716/2014) ne suffit pas dans le contexte du conflit politique qui existe entre les nouveaux articles constitutionnels sur l’immigration et ledit Accord. Il est alors nécessaire pour la Suisse de trouver la bonne solution à l’inadéquation actuelle.

Le 26 octobre 2016, le Conseil fédéral a rejeté l’initiative « sortons de l’impasse » (initiative Rasa), qui prévoyait l’abrogation des articles 121a et 197, chiffre 11, de la Constitution suisse, et a décidé de la combattre avec un contre-projet dont le contenu ne sera défini que l’an prochain. Ladite initiative avait pour but principal de mener une politique stable et favorable envers l’Union européenne, notamment en préservant la voie bilatérale. Malgré la volonté du Conseil fédéral de maintenir une telle politique, passer outre la volonté populaire, exprimée lors de la votation du 9 février 2014, serait contraire au principe démocratique. Nonobstant la baisse de l’immigration observée en Suisse, le Conseil fédéral précise qu’une gestion de l’immigration ciblée est nécessaire afin de mettre en avant la main d’œuvre indigène. Le pouvoir exécutif a décidé de proposer un contre-projet direct, mais il attendra l’examen parlementaire en cours pour apporter une réponse.

Alors que le Conseil fédéral avait déjà formulé, le 4 septembre 2016, une proposition concernant l’application de l’article 121a de la Constitution, le Conseil national a entériné, le 21 septembre 2016, un projet « light » de sa commission des institutions politiques. Le projet, considéré par le Conseil fédéral comme une mise en œuvre partielle de l’article constitutionnel, prévoit un compromis entre la préférence des travailleurs indigènes et la préservation de la libre circulation entre la Suisse et l’Union européenne. En particulier, le projet évoque l’intervention du Comité mixte dans le cas où le gouvernement souhaiterait prendre des mesures correctives relatives à l’immigration. En outre, ces mesures ne pourraient être prises que dans le cas où l’immigration européenne perdure et que des problèmes sociaux ou économiques se font ressentir dans le pays. Finalement, le projet prévoit que lorsqu’une mesure serait estimée par la Suisse comme non compatible avec l’Accord sur la libre circulation des personnes, elle devra faire l’objet d’une approbation du Comité mixte.

Le projet adopté par le Conseil national est désormais examiné par la commission des institutions politiques du Conseil d’Etat. Le résultat de ce dernier sera pris en compte par le Conseil fédéral lors de la formulation de son contre-projet direct.

Dans ce contexte, une réunion extraordinaire du Comité mixte a eu lieu le 25 septembre 2016. La Commission européenne, préoccupée par les débats parlementaires relatifs à la gestion de l’immigration et par le futur de l’Accord sur la libre circulation des personnes, a demandé, en vertu de l’article 17 ALCP, une réunion des délégations suisse et de l’Union européenne. Durant cette rencontre, les travaux parlementaires ont été présentés à l’Union européenne.

La libre circulation n’étant pas une question négociable pour l’Union européenne, il est nécessaire d’attendre la position du Conseil des Etats sur le projet de la « préférence nationale light » et le contre-projet du Conseil fédéral qui s’en suivra, afin de prédire le futur des relations entre la Suisse et l’Union européenne. Il ne s’agit pas uniquement de la libre circulation des personnes, mais des relations bilatérales en général, compte tenu de la clause guillotine qui pourrait mettre à mal l’ensemble des Bilatérales. Finalement, il s’agira pour les organes politiques suisses de répondre à la question de savoir si la règle constitutionnelle relative à l’immigration, décidée par une faible majorité du peuple, peut être réalisée à l’encontre d’une obligation internationale?

Alicja Zapedowska, « Quel futur pour la libre circulation entre l’Union européenne et la Suisse ? Le point sur le débat helvétique », Actualité du 31 octobre 2016, disponible sur www.ceje.ch.