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L’Europe a-t-elle besoin de la Suisse et vice et versa ?

Diane Grisel , 7 avril 2008

La Suisse et l’Union européenne sont des « partenaires privilégiés » qui partagent des valeurs culturelles, politiques et historiques communes. C’est avec la volonté de briser l’image d’ « ennemi » et d’« animal économique » dont l’Union européenne est souvent affublée que Michael Reiterer, Ambassadeur, chef de la Délégation de la Commission européenne pour la Suisse et la Principauté du Liechtenstein, a souligné l’importance des relations entre la Suisse et l’Union européenne lors d’une conférence organisée par le Centre d’études juridiques européennes (CEJE). La conférence s’est tenue à l’Université de Genève le mardi 1er avril 2008 en présence d’un large public. En voici les lignes principales.

Les relations qu’entretiennent la Suisse et l’Union européenne sont uniques et très intenses. Sur le plan économique, M. Reiterer a rappelé que la Suisse constitue le 2ème partenaire commercial de l’Union européenne, devant la Chine et le Japon. Il a ensuite commenté le fondement des relations bilatérales et mis en évidence certains écueils. Premièrement, la voie bilatérale, statique, s’accorde mal avec le dynamisme qui caractérise le développement de l’Union européenne et intervient toujours avec un temps de retard. A cet égard, l’hypothèse d’un « accord cadre » chapeautant les relations entre la Suisse et l’Union européenne pourrait apporter des innovations intéressantes. Deuxièmement, la position constante de la Suisse, qui n’accepte jamais le droit de l’Union européenne tel quel mais en exige toujours des adaptations, crée des tensions. L’argument de la Suisse pour justifier les aménagements qu’elle réclame, soit celui de n’avoir pas pu participer aux négociations et à la prise de décision, invite à s’interroger sur les raisons pour lesquelles la Suisse continue à refuser « de se mettre à la table » des décideurs. Se référant au nouveau mandat de négociations attribué par le Conseil fédéral le 14 mars 2008 dans le secteur agroalimentaire, M. Reiterer a relevé que la participation de la Suisse à la politique agricole commune de l’Union européenne pourrait se révéler moins coûteuse. Dans le domaine de la libre circulation des personnes, il a précisé que tant le refus de la reconduction de l’accord sur la libre circulation des personnes de 1999 que le refus de l’extension dudit accord à la Roumanie et à la Bulgarie entraînerait, automatiquement et inéluctablement, la cessation de tous les accords des bilatérales I. M. Reiterer se montre néanmoins confiant sur l’issue des éventuels référendums sur ces deux questions, convaincu que le peuple suisse est conscient de l’intérêt que représentent pour la Suisse la reconduction et l’extension de l’accord de 1999. La décision du Parlement fédéral de refuser d’adopter le renouvellement de l’accord MEDIA signé par le Conseil fédéral en octobre 2007 et de le renvoyer à ce dernier afin qu’il clarifie la question de la reprise de la réglementation sur les fenêtres publicitaires de chaînes étrangères illustre, selon M. Reiterer, la tendance de la Suisse à faire prévaloir les aspects pécuniaires sur les aspects culturels. Mentionnant, entre autres, le programme « Erasmus », qui encourage la mobilité des étudiants et des enseignants et qui a déjà profité à de nombreux Suisses, il relève l’importance de l’ouverture d’esprit au sein de l’Union européenne, qui ne se réduit pas à un « club d’importateurs et d’exportateurs ».

L’Ambassadeur M. Reiterer regrette « l’absence de structure juridictionnelle » de la majorité des accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne. Contrairement à ce qui prévaut au niveau communautaire, dans le cadre de l’EEE ou sur le plan international, il n’existe en effet aucune cour de justice commune dans le cadre des accords bilatéraux.

L’argument du déficit démocratique de l’Union européenne, comparé à la démocratie directe suisse, est nuancé par M. Reiterer. Il rappelle que dans l’histoire de la construction européenne, le Parlement européen, institution dont les membres sont élus au suffrage universel direct, a toujours gagné davantage de pouvoirs. Le Traité de Lisbonne, qui instaure une initiative citoyenne, permet en outre à un million de citoyens européens d’inviter la Commission à soumettre une proposition législative. Enfin, le respect des valeurs démocratiques constitue une condition d’adhésion à l’Union européenne.

M. Reiterer a terminé son exposé en énumérant des caractéristiques helvétiques dont l’Union européenne pourrait utilement s’inspirer : le fédéralisme, le régionalisme, le multiculturalisme et la pluralité des langues nationales.

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Reproduction autorisée avec indication : Diane Grisel, "L’Europe a-t-elle besoin de la Suisse et vice et versa ?", www.ceje.ch, actualité du 7 avril 2008.