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La Commission ne pouvait pas refuser l’enregistrement de l’initiative citoyenne européenne « Stop TTIP »

Margaux Bierme , 12 mai 2017

C’est un arrêt pour le moins audacieux que le Tribunal a rendu ce mercredi 10 mai 2017 (aff. T-754/14) en matière d’initiative citoyenne européenne (ci-après « ICE »). Le Tribunal a en effet annulé la décision de la Commission qui rejetait la demande d’enregistrement de la proposition d’ICE intitulée « Stop TTIP ».

La Commission européenne a été autorisée par le Conseil à ouvrir des négociations pour le CETA, en 2009, et pour le TTIP, en 2013. Les requérants ont, en 2014, formulé une demande d’enregistrement de la proposition d’ICE visant à faire annuler le mandat de négociation pour le TTIP ainsi que ne pas permettre la conclusion du CETA. Ils dénonçaient diverses dispositions relatives notamment à la procédure de règlement des différends entre investisseurs et Etats et ils craignaient également une atteinte à la démocratie et l’Etat de droit s’agissant des dispositions relatives à la coopération en matière de réglementation. Cette demande a été refusée par la Commission sous prétexte qu’« une décision du Conseil autorisant la Commission à ouvrir des négociations en vue de la conclusion d’un accord avec un pays tiers n’est pas un acte juridique de l’Union européenne et qu’une recommandation s’y rapportant ne constitue donc pas une proposition appropriée au sens de l’article 11, paragraphe 4, TUE et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 211/011 » (pt 4).  Le désaccord portait dès lors sur la notion d’acte juridique au sens desdites dispositions. La Commission justifiait son refus en raison du caractère purement préparatoire que revêt une décision du Conseil l’autorisant à ouvrir des négociations (pt 19) ainsi que l’absence d’effets juridiques externes aux institutions de l’acte en question (pt 20). Enfin, une ICE telle que celle en cause constituerait « une immixtion inadmissible dans le déroulement d’une procédure législative en cours » (pt 21) et ne remplirait pas l’objectif de débat politique qu’est censé poursuivre le mécanisme de l’ICE.

Le Tribunal désapprouve la Commission s’agissant de la notion d’acte juridique au sens de l’article 11, paragraphe 4, TUE et des articles 2, paragraphe 1 et 4, paragraphe 2, sous b), du règlement n°211/2011 puisqu’il considère que ladite notion ne se limite pas « aux seuls actes juridiques de l’Union définitifs et produisant des effets juridiques à l’égard des tiers » (pt 35). Le Tribunal avance d’ailleurs que le principe de démocratie, en tant que valeur fondamentale sur laquelle l’Union repose, appelle à rejeter une interprétation restrictive de la notion d’acte juridique dans ce contexte. En outre, il était question de savoir si la réglementation en matière d’ICE empêchait les citoyens de proposer l’adoption d’un acte ayant pour objectif de retirer une décision autorisant l’ouverture de négociations en vue de la conclusion d’un accord international. Le Tribunal rejoint également les requérants sur ce point pour admettre la faculté, dans le cadre de l’ICE, de « demander la modification des actes juridiques en vigueur ou leur retrait, en tout ou en partie » (pt 42). Enfin, l’argument, avancé par la Commission, selon lequel il y aurait une immixtion inadmissible dans le déroulement d’une procédure législative en cours ne peut être retenu. En effet, les citoyens de l’Union doivent pouvoir participer de manière effective à la vie démocratique de l’Union par le biais de l’ICE. En conséquence, la décision de la Commission rejetant la demande d’enregistrement de l’initiative « Stop TTIP » a été annulée.

In fine, le Tribunal met l’accent sur l’importance de la participation des citoyens et sur l’amélioration du fonctionnement démocratique de l’Union à travers le mécanisme de l’ICE, et ce, sur un sujet qui ne cesse de faire couler beaucoup d’encre dans l’opinion publique puisque le TTIP et le CETA sont, une fois de plus, pointés du doigt. Il y aura lieu d’être attentif à l’éventuelle introduction d’un pourvoi contre cette décision, afin de connaitre la position de la Cour sur les contours dessinés par le Tribunal s’agissant de la notion d’acte juridique qu’il y a lieu de comprendre en matière d’initiative citoyenne européenne. On notera enfin que ce n’est que la deuxième fois que le Tribunal annule une décision de la Commission de refus d’enregistrement d’une ICE, la tendance étant plutôt le rejet des recours ayant pour objectif de contredire les décisions de refus d’enregistrement d’ICE de la Commission.

Margaux Biermé, « La Commission ne pouvait pas refuser l’enregistrement de l’initiative citoyenne européenne « Stop TTIP » », Actualité du 11 mai 2017, disponible sur www.ceje.ch