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Le statut fiscal des organismes de droit public au titre de la directive TVA de 2006

Relwende Louis Martial Zongo , 5 octobre 2015

L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) définit le champ d’application ratione personae de ladite taxe, qui s’applique tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales, privées ou publiques. Par dérogation à cette disposition, l’article 13 exclut les organismes de droit public de la qualité d’ « assujettis » pour les activités ou les opérations économiques qu’ils accomplissent en tant qu’autorité publique, à moins que leur non-assujettissement ne conduise à des distorsions de concurrence d’une certaine importance. En dehors de cette exception, les organismes de droit public peuvent être qualifiés d’assujettis à la TVA conformément aux critères définis à l’article 9. Il s’agit en l’occurrence d’une part, du caractère économique des activités exercées et d’autre part, de l’exercice de ces activités « de façon indépendante ». Si la détermination du caractère économique des activités exercées est facilitée par une énumération exemplative à l’article 9, il n’en est pas de même du second critère que la Cour de justice a eu besoin de clarifier dans des affaires mettant en cause des personnes physiques accomplissant des fonctions publiques et des entités privées (voir notamment, arrêt Commission c. Pays Bas, aff. C-235/85, arrêt Ayuntamiento de Sevilla, aff. C-202/90 et arrêt FCE Bank, C-210/04). Dans l’affaire Gmina Wroclaw, aff. C-276/14 du 29 septembre 2015, la Cour de justice de l’Union se prononce à nouveau sur ce critère, mais en ce qui concerne les organismes de droit public.

En Pologne, les communes, entité de droit public, accomplissent les missions qui leur sont assignées à travers des entités organisationnelles budgétaires telles que les écoles, les maisons de culture, les services du district d’inspection et de la police. Jusqu’à l’affaire ayant donné lieu au présent arrêt, ces dernières étaient assujetties à la TVA, au même titre que la commune, pour les activités économiques qu’elles effectuaient. Souhaitant obtenir une prise de position du ministre polonais des finances sur la question, la Commune de Wroclaw a formé auprès de ce dernier une demande de rescrit fiscal visant à déterminer qui de la commune ou de l’entité budgétaire communale, devait être considérée comme assujettie à la TVA. Dans ses rescrits, le ministre a estimé que, dès lors que des entités budgétaires distinctes de la structure de la commune de Wrocław réalisaient, au regard de critères objectifs, des activités économiques de façon indépendante et exécutaient à cette occasion des activités assujetties à la TVA, elles devaient être considérées comme étant elles-mêmes assujetties à la TVA. La Commune de Wroclaw a alors saisi le tribunal administratif de Wroclaw, puis la Cour suprême administrative, qui s’est enfin référé à la Cour de justice de l’Union. Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche, principalement, à savoir si l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA doit être interprété en ce sens que des organismes de droit public, tels que les entités budgétaires communales en cause au principal, peuvent être qualifiés d’assujettis à la TVA alors qu’ils ne remplissent pas le critère d’indépendance prévu à cette disposition. Dans l’hypothèse où la Cour de justice devait considérer que les entités budgétaires communales ne peuvent pas être qualifiées d’assujetties à la TVA, le gouvernement polonais a quant à lui demandé à la Cour de limiter les effets de l’arrêt dans le temps.

Après avoir relevé que, ni le caractère économique des activités exercées, ni l’inapplicabilité de l’exception de l’article 13 de la directive TVA n’étaient remis en cause dans l’affaire au principal, la Cour de justice a déterminé si les entités budgétaires communales exercent en l’espèce, d’une façon indépendante, leurs activités économiques de sorte à pouvoir être qualifiées d’assujettis à la TVA. Pour ce faire, elle s’est référée à sa jurisprudence antérieure relative aux personnes physiques accomplissant des fonctions publiques et aux entités privées en vérifiant si dans l’exercice de leurs activités, ces entités se trouvaient dans un lien de subordination vis-à-vis de la commune à laquelle elles sont rattachées. Deux critères ont été examinés à cet égard ; d’une part, le fait de savoir si la personne concernée accomplit ses activités en son nom, pour son propre compte, et sous sa propre responsabilité et d’autre part, la question de savoir qui supporte le risque économique lié à l’exercice de l’activité. Or, il ressort du dossier soumis à la Cour, que les entités budgétaires accomplissent les activités économiques qui leur sont dévolues au nom et pour le compte de la Commune de Wroclaw. En plus, elles ne répondent pas des dommages causés par ces activités, la responsabilité de tels dommages incombant à la seule Commune. Les entités budgétaires ne supportent pas non plus le risque économique lié à l’exercice desdites activités dans la mesure où elles ne disposent pas de patrimoine propre à elles. Compte tenu de ces éléments, la Cour de justice conclut que l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que des organismes de droit public, tels que des entités budgétaires communales, ne peuvent être qualifiés d’assujettis à la TVA dans la mesure où ils ne remplissent pas le critère d’indépendance prévu à cette disposition.

Quant à la demande de limitation des effets de l’arrêt dans le temps, la Cour de justice reconnait la possibilité d’une telle limitation tout en rappelant les deux conditions posées à cet effet par la jurisprudence. Il s’agit notamment de la bonne foi des milieux intéressés et du risque de troubles graves. Estimant que le gouvernement polonais n’avait pas suffisamment démontré l’existence d’un risque de troubles graves en l’espèce, la Cour de justice a refusé de limiter, dans le temps, les effets du présent arrêt.  

Toutefois, au regard de l’importance des opérations économiques menées par les entités budgétaires communales sur l’ensemble du territoire de cet État membre, il n’est pas exclu que la mise en œuvre de cette décision de la Cour de justice rencontre certaines difficultés.


Martial Zongo, " Le statut fiscal des organismes de droit public au titre de la directive TVA de 2006", actualité du 5 octobre 2015, www.ceje.ch