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Les incendies en Grèce relancent le débat sur l’implication de l’Union en matière de protection civile : état des lieux et perspectives

Eléonore Maitre , 7 septembre 2007

Une fois encore, l’Union européenne a été confrontée cet été à des incendies de forêt qui ont dévasté de nombreuses régions touchées par la canicule estivale. Ravagée par de multiples départs de feux qui se sont propagés avec une rare violence, la Grèce a fait appel à plusieurs reprises à l’Union européenne afin que celle-ci lui prête assistance dans le cadre du mécanisme communautaire de protection civile.

C’est par une mobilisation sans précédent que les Etats membres ont répondu à l’appel d’urgence envoyé par la Grèce (10 Canadairs, 12 hélicoptères et plus de 400 spécialistes européens ont, pendant près d’un mois, portés assistance à leurs concitoyens grecs). Toutefois, l’insuffisance du mécanisme actuel tant au niveau de la coordination que de la rapidité de réaction des secours nationaux a remis celui-ci à l’ordre du jour. Déjà largement critiquée pour son aide tardive, inadéquate et mal coordonnée lors du passage du tsunami qui avait frappé l’Asie en décembre 2004, l’Union européenne peine toujours à prouver son efficacité dans de telles situations de crises. Tandis que les incendies détruisent les forêts du sud de l’Europe et que le nord fait le bilan des pluies torrentielles qui ont submergés de nombreuses villes, à Bruxelles, l’idée d’une force de protection civile commune revient au centre des débats.

Etabli par une décision du Conseil du 23 octobre 2001 (2001/792/CE, Euratom) sur la base des articles 308 CE et 203 Euratom, le mécanisme de protection civile auquel a fait appel la Grèce « vise à favoriser une coopération renforcée dans le cadre des interventions de secours relevant de la protection civile ». L’article 308 CE permet au Conseil, « statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen », d’exercer une compétence qui n’est pas expressément attribuée par le traité CE lorsque celle-ci s’avère « nécessaire pour réaliser, dans le Marché commun, l’un des objets de la Communauté ». Une compétence ainsi reconnue ne peut être que partagée entre les Etats membres et l’Union européenne. S’agissant de la protection civile, la Commission s’est vue essentiellement reconnaître la charge du Centre d’information et de suivi (MIC - Monitoring and information center), alors que les Etats membres sont chargés de la sélection et de la mise à disposition des forces et moyens d’intervention.

En janvier 2006, la Commission proposait au Conseil d’adopter une décision de refonte du mécanisme actuel visant à fournir une base juridique permettant la mise en oeuvre d’actions communautaires supplémentaires visant à une plus grande collaboration et une meilleure visibilité de l’Union en matière de protection civile.

Pour Michel Barnier, ancien ministre français des Affaires étrangères et ancien commissaire européen, c’est d’une force européenne de protection civile, qu’il propose de baptiser « Europe Aid », dont l’Union a aujourd’hui besoin. Cette force européenne consisterait en une mise à disposition d’équipes et de moyens par les Etats membres que l’Union, par le biais de la Commission, pourrait mobiliser. S’appuyant sur cette suggestion de l’ancien ministre français, le Parlement européen a souligné le 20 août dernier, dans une proposition de résolution sur les incendies en Grèce, la « nécessité de poursuivre le développement d’une capacité de réaction rapide fondée sur les unités de protection civile des Etats membres [...] et de réfléchir à la création de forces permanentes d’intervention d’urgence ». Si l’idée d’une telle force séduit la majorité des Etats du sud de l’Europe, au nord les réticences sont grandes et nombreux sont les Etats qui ne souhaitent pas que l’Union accroisse sa visibilité dans les opérations de protection civile. Or, une nouvelle décision du Conseil devrait se baser également sur l’article 308 CE et n’offrirait ainsi pas une grande marge de manœuvre aux institutions. Dans une Union à 27, le Conseil rencontrera les plus grandes difficultés à obtenir l’unanimité en faveur d’une proposition largement controversée.

Il est cependant intéressant de noter qu’une volonté politique de reconnaître, voire d’accroître les compétences communautaires dans ce domaine a été formulée dans le traité constitutionnel et maintenue dans le projet modificatif discuté au sein de la Conférence intergouvernementale (CIG) de juin 2007. En effet, l’article 176 H du « traité modificatif » ou « traité simplifié » attribue à l’Union une compétence d’appui en matière de protection civile avec le pouvoir pour le Conseil, conjointement avec le Parlement européen, d’adopter des mesures nécessaires selon la procédure législative ordinaire (équivalent de l’actuelle procédure de codécision de l’article 251 CE), sans toutefois lui accorder le droit d’harmoniser les dispositions législatives et réglementaires des Etats membres.

Toutefois, quelle que soit la base juridique qui soutiendra l’adoption d’une nouvelle décision sur la protection civile, c’est le jeu politique qui encore une fois décidera du rôle qui sera attribué à l’Union. Dans un futur proche, il est d’ailleurs peu probable qu’elle élargira significativement ses compétences d’action dans ce domaine et qu’elle pourra rendre plus efficace l’aide d’urgence aux Etats en cas de catastrophes naturelles ou d’origine humaine et la protection des populations civiles.


Reproduction autorisée avec indication : Eléonore Maitre, "Les incendies en Grèce relancent le débat sur l’implication de l’Union en matière de protection civile : état des lieux et perspectives", www.ceje.ch, actualité du 7 septembre 2007.